samedi 10 décembre 2011

avec Malick Sidibé

Ce soir là, écouter un ami passionné d'Afrique - continent lointain jamais foulé par mes souliers campagnards - réciter des histoires de là-bas, des contes.. c'est un soir d'hiver au coin de la cheminée.. un verre de vin certainement enlace mes doigts..

L'ami déplie des cartons à dessin.. le temps alors du ruban dénoué, du papier de cristal crissant.. et les photographies de Malick Sidibé s'inscrivent totalement, magnifiquement sur la table de cette maison d'art.. le collectionneur - l'ami - a amassé ces clichés, des images saisies en 1963, en 1964, là-bas au Mali par l'Artiste.. des pépites qui disent l'amplitude d'un geste, d'un pas de danse..
La grâce glisse sous les pas des danseurs.. le mouvement est là, envoûtant, palpable, ruisselant de la liberté d’être..

Danser la vie.. moi, je n'ai jamais su.. mais danse Malick, danse !!

Je grimpe dans ma chambrée, les quatre photographies " noir et blanc " délicatement repliées dans leurs couvertures de papier de cristal.

Elles seront " oeuvres au  carré " sur mes cimaises..


Les nuits de Bamako ©Malick Sidibé © Collection IdL
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

avec Jacques Despierre

Ce jour-là, le métropolitain m'entraîne vers les contours lointains de Paris.. l'hiver est là, nu et enneigé.. un ciel bas, muet..

C'est dimanche et je m'aventure, seule, vers Saint-Ouen.. les Puces de Saint Ouen.. une appellation sonnante pour évoquer l'univers du monde de l'antan.. friperies, accessoires, meubles patinés et souvent rafistolés par une âme passionnée ..
Là  aussi règnent des trésors du design, des lignes, des matières, des couleurs, des bijoux, des costumes de broderies et d'étoffes que d'appliquées couturières enrichirent de leurs savoirs.
Ce sont là  des décors battis pour le théâtre ou d'infinies scènes de cinéma.. !! les stands échafaudent chacun leur territoire.. de merveilleuses reconstitutions.. ça et là des petits chauffages d' appoint, des plateaux d'autrefois garnis de verres de vin, des casse croûtes..  les antiquaires se connaissent bien sûr et chaloupent entre les stands, univers un peu secret aux codes indéchiffrables.. leur monde..

Alors, moi aussi, je navigue, je change de cap, je zigzague entre ces vastes greniers inondés de ces fameux objets qui, inévitablement, me précipitent chez une Grand Mère, sur les sentiers d'une campagne, alors enfant douillettement installée dans une charrette à chèvres.
Il y a les outils, les vaisselles d' armoires trop rapidement refermées.. du linge empesé  couronné de noblesse..

Mon amie Brigitte a dressé là il y a quelques mois son univers.. elle me présente les personnalités de son coin, de son village, de son quartier, la quartier du marché Paul Bert Serpette.. le Neuilly peut être de ce vaste territoire inondé d'inédits… Nous déjeunons à la Cocotte, au coin de la cheminée.. saveurs mijotées, ambiances familiales.. l'éphémère dompte doucement l'immobilité des siècles repliés dans leur histoire.

Pour quelques heures seulement, le rêve caresse un peu les mémoires.. nostalgie, mélancolie.. je ne sais! mais il est certain que farfouiller les tiroirs du temps me réconforte un peu.. je n'ai plus la clé de la maison de mon enfance..l'impression de me glisser dans une capeline  rassurante d'un autrefois..

Brigitte recueille sur son stand des objets chinés ça et là. Il y a surtout ses propres créations venues tenir compagnie à cet " avant ".
Ce dimanche là, l’antiquaire Jean-Christophe Depieds a déposé des tableaux, plusieurs, juste pas trop.. des petits trésors que lui seul sait dépoussiérer de l’oubli.. la même poésie éclaire ces toiles, peintes souvent sur un dos de planche.. des pépites de couleurs douces et franches qui  viennent juste  éveiller ce brin d’éclat dont je suis particulièrement gourmande en ces jours en lumière basse.. merci Jean Christophe!!

Je regarde, les yeux soudain trop minuscules pour contenir le flot des mémoires qui, telle une tempête, vient heurter le seuil de mon histoire..

Un tableau ruisselant de lumière dorée sera l'oeuvre de peinture à l'huile qui se glissera dans mon sac..

Pour le petit pêcheur au chapeau jaune paille de Jacques Despierre.. pour la canne à pêche et le regard du jeune homme capturé par le petit flotteur..

Jacques Ceria dit Despierre - Le pêcheur au chapeau de paille (ca.1955)
Huile sur panneau de bois (22 x 27 cm)
©Collection IdL
Jacques Céria dit Despierre - Le pêcheur au chapeau de paille(ca.1955), détail
Huile sur panneau de bois (22 x 27 cm)
©Collection IdL