dimanche 3 décembre 2017

avec Olivier Michel

Le mois de juin est un éparpillement étonnant de nuances estivales ourlées de vivacité et de sève nouvelle.. je suis arrivée en Bourgogne, du côté de Beaune, à Chassagne Montrachet, un des temples des saveurs viticoles d’excellence et de tradition ô combien protégée..

" Une partie de campagne" rassemble sur ces coteaux ensoleillés des galeries et des artistes et des amateurs d’art. Les portes des caveaux s’ouvrent et nous découvrons aussi d’autres demeures, villageoises, pour un accueil particulièrement effervescent.
Le village soudain revêt des allures de village piéton, les uns les autres, plan toujours drôlement glissé sous le regard, déambulant de ci de là, rarement vraiment égarés.. et les sourires des personnes rencontrées accompagnent rapidement nos pas hésitants sur le bon chemin..

Il est des saveurs de cave et de dégustation.. comment renoncer ?? le désir d’évoquer, avant de vous entraîner de ci de là, cette soirée particulièrement chaleureuse dans les caves du Château de Chassagne-Montrachet, écrin du programme Mécénat Picard. Ce soir là les candélabres orchestrèrent une magnifique farandole d’ombres sur les parois des cuves, des barriques.. ivresse aussi de ces mouvements en ondulations oniriques.. les artistes, les galeries, les pèlerins en art étaient là, joyeux de ce partage magnifique et des échanges surprenants galopant de table en table..
Auparavant..
Je parcourus les lieux sélectionnés, étonnée toujours de pousser des portes presque secrètes, du moins discrètes.. Les bouteilles somnolent, plus bas dans les caves obscures.. chut !

A la sortie du village, tout près de la place des Noyers, la Galerie de Rejane Louin a invité Olivier Michel dans les chais du Domaine Jean-Noël Bagnard. Je ne connaissais pas Réjane.. Je ne connaissais pas Olivier. Ce fut une belle rencontre. Un dialogue peu à peu se tissa entre nous trois et le travail de l’artiste s’enroula totalement autour du fil tenu de mes étonnements.. Est-ce le bleu presque Klein, les variations tracées au stylo bille, les cyanotypes sur papier..? je ne sais, mais je sais que Réjane, patiemment, m’entraîna vers l’univers du travail d’Olivier et je ressentis alors cette désormais reconnaissable émotion du temps qui passe, de la trace, d’une forme de simplicité, «  un parti pris qui permet la mise en place de règles qui assoient et cadrent son travail. « 

La galerie de Réjane est à Locquirec. Je sais qu’un jour, j’irai découvrir ce village et pousser la porte de son antre.. parce que c’est beau là-bas et que la Manche clapote.. En attendant j’ai glissé dans ma cariole cette oeuvre, un cyanotype sur papier.. une oeuvre au bleu dont le procédé de travail fut découverte.. et je vois des cheveux d’ange dansant sur le papier..




mercredi 22 novembre 2017

avec Céline Cléron...

Paris.. le mois de Mai peaufine ses intentions printanières.. la lumière est à nouveau zébrée d’étincelles, le jour s’enfuit moins vite.. la flânerie est de mise et l’événement Choices, initié par la Galerie Papillon il y a quelques années déjà,  m’entraîne à nouveau dans le tourbillon de la curiosité, de l’étonnement.. de la rencontre artistique..
Ces rendez-vous m’offrent la sensation, toujours, d’embraquer pour un nouveau voyage, destination inconnue.. Une sorte de jeu sérieux dont la joie caresse doucement des mémoires enfantines de parties de cache cache ou de chasse au trésor .. la campagne est vaste !

Ce jour là Céline Cléron est l’artiste invitée de la Galerie Papillon. Les oeuvres de cette exposition plongent dans L’horizon des évènements, thème retenu pour cet évènement. Je me souviens.. très vite le vertige de l’équilibre me surprend, comme une ivresse juste offerte par une première gorgée de vin à la robe grenat, ces vins que le temps a retenus dans l’obscurité d’une cave et qui dévoilent, un jour par hasard, ses intentions magnifiées de maturité.. Surprendre.. étonner..

J’arpente l’espèce, tanguant devant ce vaisseau caravelle juché sur un toboggan qu’il semble sur le point de dévaler.. cette oeuvre s’intitule Une minute de latitude.. je demeurerai aussi longtemps intriguée par les oeuvres constituées de toises, Conseil de Révision.. et par un buste de femme intitulé Lacrimosa.. et tant encore assemblées là dans ce même vertige..

Je feuillette alors le Catalogue de l’artiste. « D’un règne à l’autre/ Le perchoir d’Horus »  comme si le désir, lointain et pas encore nommé, me guidait vers autre chose.. Je voulais visiter encore et encore cet univers.. pousser des portes, parcourir des corridors.. une sorte de  partie de colin-maillard.. les yeux ouverts mais les mains tâtonnantes..
Sur une page, une photographie.. La perspective d’un couloir immense et le profil d’une religieuse à l’étonnante coiffe/cocotte en papier.. Il me revient en mémoires.. l’immensité du temps immobilisé dans le couvent des dominicaines qui fut cet emprisonnement de pension des années durant.. Pourquoi alors revenir sur cette image, ce cauchemar du temps que je ne parviens toujours pas à faire glisser dans l’oubli ?.. peut-être grâce à la coiffe/cocotte en papier qui m’autorise à basculer alors dans le jeu, le pliage..  les après-midi de vacances chez ma grand-mère à apprendre la minutie des formes pétries par les angles et les lignes  du papier cartonné blanc..

Une pirouette soudain pour repeindre ces années là..

L’oeuvre Construction#1 est là, posée sur un chevalet de bois élégant. Elle regarde mon petit monde.
Céline Cléron - Construction #1, 2009  - Photographie couleur contrecollée sur aluminium - 90x60 cm - Edition de 3 + 2A

mardi 29 août 2017

avec un été finissant...

Ce matin .. le désir, ou l’envie, de juste badigeonner cette plage bien ratissée de mots collectés sur les rivages de mes ailleurs en lisière Atlantique!

Bonjour.. je reviens de là-bas.. c’est tout près et tellement inaccessible.. Il faut juste avancer, les yeux clos, et écouter le chahut des vagues.. après?..  s’abandonner.. ça flotte!!

Il y a le ciel et un petit air de rien qui enivre..

Baudelaire merci!

Ce matin le soleil se débrouille derrière les stores affalés.. je suis occupée.. vider les valises et poser chaque pépite de cet été finissant à sa place.. impossible!! il y a toujours un pas cadencé de cheval de trait qui murmure dans les sillons gargouillants d’une ivresse en cueillette.. un étang qui reflète des cieux trop vastes.. une paire de bottes à deux pieds droits qui masque le spleen d’une propriété d’excellence du bordelais… des tréteaux un peu bancals posés sur le sable et des huîtres peuplées de perles enfantines qui ouvrent les yeux  sur des marées hautes et des marées basses..

Il y a toujours par là-bas aussi une maison immuable qui protège dans sa cabane des chaises longues décolorées, des jeux de croquet qui n’oublient pas les aspérités du parcours, des jouets piochés sur les étals des immortels marchands de plage.. des planches à voile essoufflées..

Il y a surtout une nouvelle Maison qui s’est installée à côté.. parce que pour h. le souvenir du varech et des bigorneaux cueillis dans la vase, enfant, était trop tenace.. et que la porte doit s’ouvrir sur maintenant..

Il y a aussi des tables de petits déjeuners invitant de grands enfants pétris de rires à embarquer déjà vers leurs évasions colorées.. les framboises du jardin clignotent dans les coquillages cueillis sur le rivage..

Un peu plus loin, à l’écart, et doucement protégées par les premiers contours des Pyrénées, il y a les vignes d’Yvonne, une amie qui planta ses pieds aux cépages magnifiques à soixante ans.. il y a plusieurs décennies.. je devrais me dépêcher!! et puis non, je serai juste attentive à ce que ce millésime 2017 soit suivi du 2018.. que cette Dame merveilleuse prolonge encore longtemps son savoir faire  .. juste espérer  pouvoir encore m’asseoir à ses côtés et l’écouter éplucher ses histoires de vendanges, de pressoir, de dégustation, de moûts de raisin.. et déambuler dans les sillons en surveillant aussi l’éclat des figues et la bonne mine des pommes..

La côte basque sait contenir les notes légendaires du baron de l’Epée en son fief d’Illbaritz.. le besoin insatiable de revenir là.. piocher ce que le temps a, d’une pirouette, transformé en légende.

Et.. mais tout cela est sans grande importance..

Ce matin l’air ne parvient pas à déposer l’été et je vais, dans un présent toujours étonnant, me mettre en route pour Tulette..J’attendrai peut être que les ombres s’allongent.. Là, en cette maison de vigneron juste attentive à protéger les empreintes fugitives d’un bleu sulfate qui courent sur les vieux murs, là je vais contempler aujourd’hui: le travail des artistes venus en résidence en juin. Demain tout sera replié et un autre aujourd’hui se déposera sur le seuil de mon temps ..




mercredi 21 juin 2017

avec Matthieu Cossé

Paris.. en ce mois de mars, l’hiver est encore ancré sur la cité, les arbres somnolent et le ciel.. ah le ciel!! il improvise des humeurs en flanelle voilée.. majeure!

Je suis au Salon du Dessin Contemporain- Drawing Now, dans l’espace étonnant du Carreau du Temple dont la façade monumentale s’ouvre sur la rue du Temple,  avec ses pavillons de métal, de verre et de briques! magnifique!
Un rendez vous!
jJai déjà évoqué ces lieux de retrouvailles intimes.

Les travées dessinent une sorte de jardin / labyrinthe.. une atmosphère fantaisiste et recueillie, un peu badigeonnée d’excitation en école buissonnière.
La gravité et le sérieux se déposent toutefois à nos côtés.
Les passionnés de ce salon se regroupent, complices et conscients d’un esprit un peu «  club » , en proximité des galeristes, eux aussi parfaitement adaptés aux dialogues qui vont s’établir.. Un salon d’habitués, attentifs à retrouver leurs partenaires.. Une silencieuse procession légèrement scandée de savoureux bavardages murmurés.
Respect!

Je suis seule et évolue en parfaite liberté, ourlée de légèreté, dans ce dédale d’étonnements toujours.. l’esprit affuté tel celui déployé lors d’un jour de chine dans des déballages d’objets de l’antan.. la conscience de, peut-être,  dénicher un trésor, un trait qui demeurera suspendu à mon désir, soudain..

Je prends mon temps, une sorte de dégustation en couleurs, en mines de plomb et en peintures à l’eau, en collages et en découpages, le papier toujours présent!
Il s’imprègne de matières, se perfore, ondule ou soudain assume l’audace d'une tâche, d’un relief, d’écritures scrupuleusement tracées, sans tremblement.. Je retiens aussi mon souffle, ne pas distraire la ligne..

Mes galeries sont là.. Anne Barrault, Polaris, Bernard JordanSemiose  Papillon, Anne de Villepoix, Eric Dupont.. et tant encore .. ils tracent ma carte de géographie artistique!!

Je glisse de l’une à l’autre, bavarde ici ou là. Je sens cette petite perle de plaisir qui, l’air de rien, accompagne ma respiration.
Repérer / choisir.. un balancement entre désir, envie et raison!! ah! cette raison!! elle perd l’équilibre  toutefois un peu lors du choix.. car cette bousculade intérieure fait partie de la décision, elle en imprime la force, la rage, la nécessité, l’urgence..

Je m’arrête devant la galerie Semiose.. au fil de ces heures déroulées, je sais depuis le début qu' un petit tableau, une aquarelle, me fera tanguer et deviendra ma nécessité d’acquisition ce jour là! L’oeuvre se nomme Piscine. Matthieu Cossé l'a tracée.
 Elle est surtout le miroir, ce double qui tente de refléter la silhouette et, plus intimement, cette inconnue intérieure qui doucement me fait la révérence!

Regarde!!
L’ombre et la lumière..
La nuit et le jour..
Le ciel et la terre..
Le paysage  et le reflet..
Le vrai et le faux..
La réalité et le rêve..

Et le transat se glisse sur le pont d’un navire.. évasion!



Matthieu Cossé - Piscine - Encre sur papier beige, 23 x 32cm © Collecyion IdL 2017









dimanche 23 avril 2017

avec Simon Ortner

Le jour de Pâques, la Galerie de Kamila Regent, dans le Lubéron, dénoue le rideau soyeux d’une porte refermée pour l’hiver.. la lumière jaillit, et la nouvelle saison nous étonne toujours, impatiemment.
Le soleil et les étincelles de clarté  sont particulièrement complices pour cette journée rituelle.. le verger ondule sur une mousson de verdures.. les iris, les lilas et les fleurs sauvages se déhanchent avec grâce et naturel finalement..
Sous le poirier, comme d’habitude, la longue table a revêtu ses jupons blancs.. il y a du sirop de sureau, de l’eau parfumée de citron et de gingembre.. les saveurs de chaque année.
Il y a surtout la farandole des gâteaux, traditionnelles cuissons polonaises pétries par Kamila.
Il y a aussi le son de l’accordéon.
La beauté est là, dans ce désir d’offrande et de générosité.

Le premier jour.. jour de rentrée.. la surprise.. de quelles couleurs les murs de la galerie auront-ils été repeints?
Quels artistes auront été invités?..ils sont à nos côtés, soucieux de garder l’ombre, et nous pouvons bavarder avec eux, en une sorte de presque silencieux dialogue. Leurs oeuvres sont là déposées. Soyons attentifs à ne pas oser trop de mots. Je croise le peintre Simon Ortner  Il m’étonne par ses connaissances de la terre.. oui, il est aussi jardinier..

Alors, je déambule dans les corridors, les salons, celui d’en haut, celui de l’étage, rouge et majestueux. Je descends au jardin aussi pour reprendre souffle, me rafraîchir, savourer, échanger avec les uns les autres.

Peu à peu, telle une petite vague de fin de marée, une onde venue d’ailleurs se faufile dans mon être.. je suis seule et les dessins, les peintures, les sculptures.. l’air de rien,  ondulent, ralentissent, avancent, reculent.. l’impression d’une mise en animation en mode ralenti.. oui  « mon »  petit univers se met en place, une sorte de scénographie intérieure, et doucement un peu de presque familiarité se glisse ente nous, les oeuvres et moi, dans le respect immense d’une non appartenance et la sensation tant de fois éprouvée qu’il se passe quelque chose qui déjà m’échappe.

Alors, un petit tableau aux sons mélodieux - oui la peinture à l’huile résonne tellement que son épaisseur et sa présence font presque crisser la toile - se présente à moi dans toute la beauté de sa tenue débarrassée de séduction..
Une sorte de fragilité timide et noblement paysanne, encadre la puissance énorme de ces horizontalités rouges et noires, sombres mais tellement transparentes.. une fenêtre ouverte sur la terre, l’océan, le ciel.. Un point de vue extraordinaire..

Et cette musique je sais, revient d’un ailleurs familier.. peut être celui d’un enfant piochant l’ocre du jardin au son de l’ Angelus tandis que les ombres descendent sur les sillons..
Le tableau est signé Simon Ortner.

Merci pour tant de respect.

Simon Ortner - Paysage, 2017, huile sur toile ©Collection IdL

Simon Ortner - Paysage, 2017, signature au verso  ©Collection IdL




vendredi 21 avril 2017

avec Destinerrance

Fin janvier, le froid était vif et particulièrement malmené par un mistral de grande indécence..

Noël était loin déjà.. Certes, dans la crèche, la mousse avait perdu de sa fraîcheur, les brindilles végétales étaient un peu groggy.. les santons patientaient encore avant de repartir sommeiller dans leurs papiers de soie, au fond de leur caisse en bois qui disparaîtra ensuite au fond de l'armoire.. ma Grand-mère disait leur départ le jour de la Chandeleur.. l’enfance grappille toujours des petites pépites de rituels..

Ce soir là, j’avais convié sur mon plateau de chêne des Amis, des Collectionneurs, des Artistes, des Curieux aussi osant grimper là-haut et dénicher la farandole des oeuvres qui, vous le savez, dansent sur les cimaises de mon appartement ou galopent sur les planches..

Laurent Baude proposait ses sculptures et ses dessins récents.

Des petites ripailles et le vin du frère, " Tout va bien ", retenaient doucement les passants.. Une petite fête en intention artistique. J’apprécie ces instants particuliers, à l’écoute des étonnements, à l’affût des regards attentifs ou un peu désarçonnés.. Il se crée ainsi un réel lieu de rencontres, petits maillons merveilleux pour élargir le minuscule univers de l’art présenté ici, sans artifice..  l’intention juste de proposer!

Je rencontrais alors la responsable du Musée d’Art Contemporain de Châteauneuf-Le-Rouge- ARTEUM.
Un dynamisme étonnant anime cette structure, à la lisère d’Aix-en-Provence..

La nuit était noire depuis longtemps et le froid, derrière les stores affalés, maintenait ses intentions. La plupart des visiteurs avaient redescendu le grand escalier, emmitouflés d’hiver.. et de joie je crois..

Quelques amis prolongeaient doucement la saveur particulière que revêt toujours une fin de soirée.. hésitant à piétiner ces instants fragiles et merveilleux.

Les voix étaient ourlées de ce ton particulier adopté au creux des alcôves, murmurées.. Une sorte de pause.

Je conversais alors avec Christiane et Rindala, totalement et magnifiquement  impliquées dans un projet d’exposition pour ce musée donc, ARTEUM.

DESTINERRANCE..

Ce mot, seul, m’enchanta et m’entraîna si vite sur les sentiers du voyage, de l’ailleurs, de toutes ces intentions, même immobiles, que nous déployons pour tenter de connaître, d’apprendre, de nous tromper aussi.. Une révolution sur nous-mêmes..
Que de jeux de piste, de labyrinthes, de chutes, de marches, de soif et de faim, de soleil et de pluie, de voiles hissées et affalées, de solitude et de foule, de rires et de  larmes ..  pour tenter de pétrir ces «  immenses minuscules «  qui se blottissent dans l’inconnu.. l’inconnu du monde, l’inconnu de soi-même..

Rindala et Christiane m’ont demandé l’autorisation de prêter trois de mes oeuvres pour un voyage à Châteauneuf-le Rouge.. petit village que je n’avais alors jamais pointé sur la mappemonde..

Quel étonnement!! une sélection pour moi semblable à celle élaborée pour les grands prix des pur sangs qui s’alignent derrière les barrières..  des battements d’émotion.. J’étais confuse.. et tellement honorée - oh!! - de ce projet.. Mais oui bien sûr, mes oeuvres iront faire les belles dans ce musée et gratifieront par leur allure l’excellence d’un travail de qualité en préparation.. alors, oui je dis !. une grande fierté se glissa dans les larmes retenues de cette belle conversation..

Ont été nommées :

- Niki de Saint Phalle

- Pierrick Sorin 

- Pip Culbert

Bon voyage vous trois.. mardi je vous empaillerai de papier bulle et de carton d’emballage .. et bien sûr, je vous accompagnerai au Château.. ne pas vous abandonner.. vous prêter pour que d’Autres aussi vous fassent la révérence.. et je reviendrai vous chercher.. je vous garde la place!!

samedi 11 mars 2017

avec Françoise Pétrovitch (2)

Je suis au boudoir.. du salon, les échos d'un concert de Keith Jarrett.. création

La fenêtre est grand'ouverte sur l'arbre mort.. 

Et le petit cheval à bascule de Soutard a immobilisé l'enfance.. 

Et si je vous parlais de Françoise Pétrovitch..?



    





Nous sommes en 2012.. en quelle saison ? je ne sais plus.. nous  cheminons.. Kamila et moi.. rencontrer Françoise Pétrovitch chez elle, en son atelier dans les environs de Paris..
Sa pièce de création est tout en haut de la maison.. le Grand Atelier que je découvrirai un an plus tard, dans son jardin, est alors en échafaudage.. Une maison paisible, généreuse, accueillante..Il y a des fleurs dans un vase.. le thé bientôt fumera dans les bols.. Une vraie maison !!

Là-haut, Françoise déploie pour nous des dessins, des traits, des feuilles de papier délicatement déposées à l'intérieur de boîtes, de tiroirs.. les formats sont amples, la trame du papier   est épaisse.
Ce papier ressemble à ces feuillets utilisés alors pour recopier, sur les bancs de la petite école de mon village, des compliments offerts à une fête des mères, à une fête des pères.. ruban rose, ruban bleu en lien..

Il y a aussi des sculptures, des boîtes à musique.. l'ordre est minutie et respect.. seuls des murmures de papiers pétrissent le silence presque mystique de ces lieux de travail.. A genoux, je découvre l'aquarelle, les visages d'enfant, les becs d'oiseau, les oreilles de lapin, le crayon.. une sorte de symphonie intérieure dégringole en moi.. Oui, Françoise Pétrovitch saura dire ce que, maladroitement sûrement, je lui confierai plus tard, lors de nos promenades en forêt. Françoise pourra exprimer sur papier, en couleurs jointes à l'eau, mes mémoires d'images un peu brouillées de l'enfance, mes images, seules traces d'un autrefois de petite fille..

Le métro nous reconduit à Paris.. je suis, je m'en souviens, silencieuse et chancelante..

Le printemps nous accueille très vite à Saignon, dans la résidence d'artistes et la galerie de Kamila Regent.. Là, nous partageons plusieurs jours avec Françoise. Les rituels de cette maison nous sont  familiers.. Il y a les longues balades en forêt avec Tchai, labrador au pelage vanille.. le crépitement du bois ramassé et jeté alors dans la cheminée au retour.. les diners de saveurs .. un peu d'ivresse aussi et des nuits de profond repos, scandées par l'autorité des cloches de l'Eglise..

Françoise écoute, retient je pense, les mots dits. Je raconte mes souvenirs de petite fille, là-bas dans cette demeure familiale martelée de rites, de rigueur, mais aussi de belles évasions en potager et poulailler.. la confiture de mirabelles écumée dans son chaudron de cuivre sur la cuisinière à bois, les petits fruits d'or dénoyautés alors par nos mains malhabiles d'enfant, armées juste d'un bout de sarment pointu.. les odeurs, les bruits de cette cuisine ancestrale et l'oeil toujours attentif d'une grand mère étonnante..

J'évoque aussi les coquelicots, fleurs ô combien éclaboussantes de lumière. Le souvenir de ces boutons velus dont nous provoquions l'ouverture pour découvrir alors des petites poupées, un peu flétries certes, qui dansaient toutefois dans notre univers d'alors.. J'ai toujours aimé les coquelicots dans les champs .. je les retrouve chaque année mêlés aux blés de printemps, tâches rouges claquant dans les campagnes de Provence..

Ma grand mère était cette présence permanente à nos côtés.. l'arbre de Noël ressemble encore aux dessins des petits en maternelle.. haut et parfaitement équilibré dans la rythmique de ses branches vertes et légèrement pointues.. je me souviens des jouets d'autrefois.. d'un tableau gigantesque qui régnait dans le grand escalier.. une arrière grand mère en amazone.. je lui ressemble tant, disait-on alors..

Il y avait le petit cheval à bascule rouillé par tant de galops immobiles en corridor.. il y avait surtout l'ami Capy, magnifique berger allemand qui fut le compagnon le plus fidèle de ces petites années.. Il était notre ami, notre confident, notre oreiller.

Chemin faisant, aux côtés de Françoise, dans cette campagne sans artifice et seulement parée de la beauté des saisons, j'évoque aussi les petits chagrins du moment..  ma petite soeur avait ôté sa menotte de la mienne.. ou était-ce moi qui l'avait abandonnée..?

Les six aquarelles que Françoise réalisera alors après tous ces jours, toutes ces escales en bavardages, en silence aussi, en sourires et en larmes retenues ont été glissées dans un magnifique écrin de toile bleue.. une boîte merveilleuse, un trésor hautement personnel qui se glisse avec pudeur au creux de la collection que j'élabore au fil du temps..
Vous reconnaîtrez Capy, le coquelicot, l'arbre de Noël, l'oiseau.. pour les ailes!.. l'aïeule.. il y a aussi cette petite fille isolée comme agenouillée..
Vous déposerez surtout votre regard sur la petite main d'Hélène glissée dans la mienne.. une  petite fille blonde, une petite fille brune..

L'azur en Zigzag.. un recueil de six aquarelles rares et précieuses.

                                
                          Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
                                          © Collection IdL 




Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL  
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL 
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL



lundi 6 février 2017

avec Didier Tisseyre

En automne souvent, je grimpe sur la colline, là-bas à Saignon.. Chambre avec Vue est accueil et repos..  le désir d'un feu de cheminée, de promenades en nature rougeoyante et parfumée, de cueillettes de saison, du coing au raisin sans oublier bien entendu les champignons qui percent le feuillage déjà à terre des grands bois.. le désir d'un repli en art aussi, cette saison permettant de belles résidences d'artistes.
Didier Tisseyre est là, venu en presque voisin picorer ces merveilleuses pépites du mois d'octobre.. il y a toujours un vin de vigneron à déboucher et une merveilleuse potée fumante mitonnée par la maîtresse de maison !
Nous sommes en conversation artistique. Je découvre le travail de Didier, sculpté dans le cristal.. les pièces sont lourdes, élégantes et parfaitement graphiques !! la transparence est épaisse et autorise de surprenantes improvisations de lumières.. des éclats retenus, mats, comme si la préciosité de la matière préservait aussi, avec élégance, des attitudes de discrétion. Le poids des sculptures semble allégé par la beauté délicate des modèles.. les fleurs sont là, en construction, encore repliées dans les échanges que nous martelons, vivement, et soudain imprégnés d'une sorte d'urgence. L'urgence de voir, de recevoir, dans les mois qui s'égrèneront alors, ce bouquet d'étonnements..

Didier évoque la Croatie, terre du travail du cristal.. cet ailleurs devient alors exotique, lointain et mystérieux.. cet inconnu participe alors à la surprise en élaboration.. .. les fleurs cueillies sur une autre terre, différente, bousculée par l'histoire..mais toujours une terre d' Art, inlassablement, véritable flambeau d'un peuple courageux..
Le temps de la création est en route et, en attente, le suivi du travail de l'artiste, en son atelier.. Il y aura tout d'abord des maquettes de carton qui deviendront polyester.. le temps des patrons, petits bouts de papier qui dirigeront la forme, l'audace, la force du créateur, comme en haute couture!!
L'artiste voyagera, présentera des bouts de moulage...

Et vint le jour de l'arrivée des grosses caisses de bois, lourdes et massives, écrins impressionnants qui déposeront là, une main fleur, droite et majestueuse, et deux fleurs cueillies sur le sentier de la beauté.. Ces sculptures, à même le plancher de chêne, sont  la mémoire peut être des perce neige, ou des pois de senteurs ou des jonquilles ou des petits cyclamens qui s'éveillaient alors au fil des saisons en des coins sauvages d'une propriété qui s'en est allée..mon jardin imaginaire refleurit !!

Didier Tyssière - Fleur Bleue, 2013
Collection IdL

Didier Tyssière - Fleur Bleue 2013
Collection IdL

Didier Tyssière - La Main 2012 
Collection IdL
Didier Tyssière - La Main 2012 
Collection IdL





mardi 17 janvier 2017

avec Pavlos Nikolakopoulos

Paréidolie, un nom étrangement complexe, certes, mais il est  l’appel d’un événement magnifique au château de Servières, à Marseille.. Pareidolie, un mot empli de voyelles et difficile me direz vous à retenir et surtout à expliquer.. Pour apaiser nos  inquiétudes, je citerai que L’identification de visages dans les nuages est un exemple classique de paréidolie.
Paréidolie est donc le nom ô combien savant du Salon du Dessin Contemporain de Marseille. Le mois d’ Août s’échappe doucement.. la chaleur demeure toujours cette sorte de pâte épaisse qui alourdit l’air.. les éventails, mi masques de festival, mi accessoires improvisant un semblant de courant d’air, ondulent devant les visages. L’humeur est joyeuse ce matin là, une joie particulière qui se dandine au creux des espaces des galeries sélectionnées pour l’évènement.

Je sais que je vais découvrir de nouvelles oeuvres. Je suis surtout attentive à arpenter calmement les lieux.. retenir mon souffle aussi pour mieux accueillir les émotions qui, inévitablement,se faufileront ici et là.. je retrouve " mes " galeries, celles qui dévoilent toujours des oeuvres sur papier qui, très vite, établiront une réelle complicité avec moi..
Je retrouve aussi les habitués, les visiteurs toujours fidèles à cet événement de la fin de été. Les visages sont légèrement tapissés d’un voile "  bonne mine "  subtil et flatteur dérobé à l'éclat des mois écoulés..

Je m’approche de la Galerie Analix Forever. Barbara Polla est là. Barbara est un sourire immense, une silhouette à la présence élégante et féminine. Elle m’accueille avec "  tout ça ".. L’année précédente, nous avions déjà eu une première rencontre, une de ces rencontres silencieuses dont les gestes, le regard disent tout ce que des mots à ce moment là auraient ébouriffé.
Je savais déjà que la sélection de ses artistes se glisserait directement dans les tiroirs de mes préférences, ma " préférence " étant ce je ne sais quoi qui, sans préavis aucun, active une sorte de fil électrique invisible entre l’œuvre et moi.. foudroyée !
Une zébrure émotionnelle m’installe  devant une œuvre, m’immobilise.  J’enfouis mon regard au plus profond des strates du dessin, de l’épaisseur du trait, de l’harmonie des mines de couleur.. puiser dans l’invisible de mon être ce que le trait a glissé..  peut être une révélation ? je ne sais.. mais un dialogue, prolongement de ma pensée - ou plutôt de mon désir - s’impose et je ne peux, en aucune façon, abandonner ce dessin si particulièrement relié aux cimaises par ses pinces noires.

Ce dessin, disons alors " mon dessin ", me parle d’équilibre, cette droite oblique - rouge et noire -  qui est depuis longtemps ma position sur cette planète.. mon échelle d’intention.. gravir et, quelquefois aussi, glisser un peu, reculer mais toujours lutter pour avancer.. L’œuvre est sans surcharge, débarrassée des encombrants.. Elle est magistrale dans son élégante dignité de dépouillement. Elle est l’oeuvre de Pavlos Nikolakopoulos, de la  Grèce. Le blanc.
Dans un coin, noires et discrètes, quelques marches.. gravir encore, même à l’écart.

Pavlos Nikolakopoulos © Collection IdL