jeudi 1 décembre 2016

avec Marcus Kreiss, Sophie Braganti, Soutard

C'est un soir de juillet  2012.. la lumière va bientôt s'absenter derrière l'horizon, là-bas, plein ouest.. Je viens du sud..

Ma petite carriole, étonnante roulotte d'une transhumance estivale, déborde de tous " mes " nécessaires, vaste inventaire biscornu qui animera, je sais, mon campement estival.. trois semaines au bord de l'océan, de l'Océan Atlantique, mon tremplin de joie et de vie balloté par les écumes et les coquillages, les prouesses des nuages, la dignité de la Dune du Pyla.. et la mélancolie du bassin, grande baignoire d'eau inlassablement dérangée par les mouvements perpétuels des marées.. six heures d'absence et le découvrement alors d'un tapis vaseux pigmenté de bigorneaux ébènes et de crabes boiteux.. six heures aussi d'eau immobile plantée alors des piquets sombres et moussus des parcs à huîtres.. sortes de sillons kidnappés à l'alignement des vignobles ! flottent alors les pinasses, vastes barques plates, de noir de goudron badigeonnées, bateaux des ostréiculteurs, les paysans des mers !!
C'est un véritable jardin, celui qui fut cet étonnant terrain de jeux et de découvertes, lorsque, enfant, une grand-mère de terrain nous conviait à savourer lа nos grandes vacances.. les rites du mois de juillet reprenaient alors, sans monotonie, petites merveilles qui scandaient nos jours et rassuraient les doutes du temps en partance..

Ce soir là, j'avais déjà récupéré la clé de cette grande maison de bois dénichée l'hiver précédent.. le vin de l' Entre deux Mers avait été livré..  en blanc, en rosé, en rouge.. de quoi colorer de plaisir les joues de ma petite troupe !
Les bicyclettes reposaient contre le grand pin..
Demain, et les jours suivants, mes amis, mes enfants, mes artistes..  arriveront, doucement, à leur rythme.. Ils sont tous convoqués pour réaliser un petit film, une vidéo d'art qui retiendra les dernières traces d'une maison de famille..  notre maison, celle de nos ancêtres depuis la Révolution, celle qui retiendra pour longtemps - pour toujours? - tous ces immenses minuscules qui se sont imprimés alors sur les murs, entre les portes, derrière les fenêtres, sous les carreaux de terre cuite ou du plancher à la française.. cette demeure emplie de toutes les imperfections que le temps, ce maître, a gravé sans camouflage, ni masque, aucunement.. Une demeure dans toute la brutalité de sa sincérité. Belle, juste belle, recroquevillée sous les empreintes de tant de saisons..

Marcus Kreiss est là, en famille. Il assurera le scénario et la musique de ce petit film. Nous nous sommes souvent rencontrés pour évoquer ce travail.. j'avais alors déroulé les rubans de mes mémoires.. lui seul est désormais  responsable d'essorer tout ça et de ne conserver que la dignité d'un au revoir sincère, sans dramaturgie aucune !..
Kamila Regent s'installera aussi dans une des cabanes de la maison de vacances. Kamila est galeriste.  Elle me présenta un jour Marcus. Elle sera notre coordonatrice, le chef d'orchestre du projet.
Mes quatre enfants s’éparpillent et puisent dans ce rassemblement les délices de véritables vacances familiales. Leurs amis vont et viennent, les bicyclettes s’éclipsent et reviennent.. les paniers et autres corbeilles de rotin regorgent vite de coquillages nacrés, inévitables cueillettes des bords de mer.. la grande table au-dessus du bassin est infinie.. nous sommes douze, nous sommes quinze, nous sommes dix !! la joie déborde, les rires ricochent sur les grands arbres, un ballon bondit de temps à autre et bouscule les verres.. Un piano, dans la vaste pièce, égrène ses notes.. il y a toujours un apprenti musicien de passage !!
Il y a Sophie Braganti, écrivain et poète. Elle s'installera dans la petite chambre, un peu monacale,  derrière la cuisine.. la nécessité du calme.. Elle rédigera là une nouvelle, Quand les volets, qui accompagnera aussi ce travail de mémoires.
A ses côtés une autre amie, Helga, poursuivra l’écriture, difficile, d'une épopée familiale.
Marie et son appareil photo a été conviée aussi pour capturer d'autres images..

Il est temps désormais d'envisager le voyage vers la grande demeure familiale magnifiquement bâtie sur les hauteurs des vignobles  bordelais. Elle nous attend. Elle est l'actrice principale de cette petite mémoire qui s'enroulera ensuite sur la bobine..

Nous passerons un jour tous ensemble là. Un seul jour de tournage..
Le 24 juillet 2012, une vingtaine de personnages se réunissent donc là bas, sur le perron moussu de Soutard.
Chacun découvre à sa façon les lieux.. il y a le potager, le poulailler, le cuvier, les greniers, le parc un peu dévasté par de trop nombreuses tempêtes.. les fleurs sauvages seules osent déranger les herbes folles.. Kamila cueillera ces étonnées pour de vastes bouquets..
Nous dresserons un couvert de fête.. le tire bouchon paternel fera encore résonner un bouchon de liège ..  l'ivresse familiale emplira les verres, une dernière fois.
François nous aura offert ensuite de délicieuses ripailles, de son bar à vins, l'Envers du décor, puisés.. vastes sacs de papier craft qui s’éparpilleront dans l'herbe, sous le somptueux hêtre pourpre..
Y'a de la joie !
Marcus concentre le tournage sur l'espace du bas.. les salons, la salle à manger, les longs corridors, terrains de nos galopades enfantines entre l'univers des grands parents et celui des parents.. notre petite frontière que nous traversions souvent sans permission..

Merci les enfants, mes enfants, de votre présence.

Au revoir forever..

La video de Marcus Kreiss est disponible 
sur demande par mail auprès de IdL. 
Ci-dessous quelques images qui en sont extraites 
de même que l'ouvrage de Sophie Braganti et Frédérique Nalbandian 
©Marcus Kreiss 2012   © Idl 2012   © Sophie Braganti 2012 

      






 "Quand les volets"- Sophie Braganti - Frédérique Nalbandian

        
  
  

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